Pourquoi une victime de viol ne crie-t-elle pas toujours ?

Le 21 janvier 2021, le Sénat a voté la loi qui fixe un seuil d’âge de non-consentement à 13 ans.
Ainsi, tout majeur qui aurait une relation sexuelle avec un mineur de moins de 13 ans sera accusé de viol et puni de 20 ans de prison.
Cette loi a fait débat concernant l’âge. Beaucoup auraient préféré que ce dernier soit fixé à 15 ans, l’âge de la majorité sexuelle en France. Néanmoins, cette loi a le mérite de protéger les jeunes mineurs. La preuve du non consentement de l’enfant ne fera plus débat dans les tribunaux.

C’est justement ce qui m’a donné envie de rédiger cette article : Est ce qu’une victime de viol est entièrement capable de manifester son non-consentement ?


Qu’est ce qu’un viol ?

Le viol est un crime.
La loi le décrit comme « tout acte de pénétration de quelque nature que ce soit commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». S’il n’y a pas eu pénétration, il n’y a pas viol mais agression sexuelle.

Le viol fait donc partie des violences à caractère sexuel, c’est-à-dire des actes commis avec violence, contrainte, menace ou surprise.
En clair, il y a viol lorsque la victime n’a pas exprimé un consentement clair et explicite..

Il n’est pas nécessaire qu’il y ait des violences physiques pour qualifier un acte de viol.
La contrainte peut-être :
—-physique résulte de l’utilisation de la force de la part de l’agresseur.
—- morale résulte de l’autorité implicite ou explicite qu’exerce l’agresseur sur sa victime, par exemple un parent sur son enfant ou encore une supérieur hiérarchique sur un employé.
—- physiologique lorsque la victime est sous l’emprise de drogues ou vulnérable de par son état de santé.

💫 La connaissance de l’impact traumatique du viol est essentiel pour mieux lutter la culture du viol mais aussi pour mieux entendre et protéger les victimes.  

« La violence : une force faible »

Vladimir Jankélévitch

Qu’est ce que la culture du viol ?

Théoriquement, il semblerait que l’on soit tous d’accord pour dire que le viol, c’est mal ! Sauf qu’en pratique, beaucoup ajoutent des exceptions à cette évidence.
Le problème, c’est que ces exceptions sont l’un des symptômes de la culture du viol.

Ces exceptions sont principalement :
—–l’attitude de la victime qui « justifie » le viol
—–la réaction de la victime qui ne permet pas de « faire cesser » le viol
La conséquence est la même : la culpabilisation de la victime, c’est la victime qui est accusée et non l’agresseur.

En quelques chiffres, aujourd’hui, 4 français sur 10 estiment que :
– si la victime a été « provocante » en public, alors la responsabilité du violeur est atténuée.
– si l’on crie et que l’on se défend autant que l’on peut, alors l’agresseur va fuir.
La victime est coupable, de l’avoir bien cherché avec sa tenue ou de ne pas manifester son non-consentement.

STOP ! Une seule affirmation est vraie : « il impossible de prévoir la réaction d’une victime pendant un viol ». Si certaines résistent, beaucoup se retrouvent dans une incapacité de réagir.

En effet, tous les courants de psychologie s’accordent pour affirmer que ce qui fait traumatisme n’est pas l’évènement en tant que tel mais ce qu’il provoque dans le psychisme de la personne, en fonction de ses dispositions au moment où cela survient : « il n’y a de traumatisme que pour un individu donné, à un moment particulier de son histoire ».
Chaque victime réagira donc différemment à un même évènement.

💫 La culture du viol c’est la loi du silence.
Une victime de viol ne crie pas, ne parle pas, et il y a des explications sociales à cela.
Mais, ici, je vais te parler surtout des explications psychologiques de ce silence : l’impact traumatique.

La connaissance des mécanismes à l’oeuvre et la reconnaissance du vécu des victimes sont impératives.
Pour lever ces a priori absolument faux, il est donc indispensable de faire connaître l’impact traumatique des violences sexuelles sur la santé mentale et physique des victimes.


Quel est l’impact traumatique d’un viol ?

Le viol vient menacer la victime dans :
—– son intégrité physique : elle est confronté à l’éventualité de sa propre mort
—–son intégrité psychique : elle est confronté à une situation incompréhensible, dégradante, humiliante, injuste, incompréhensible
Il s’agit donc un traumatisme susceptible d’être à l’origine de mécanismes psychiques particuliers.

L’effraction psychique

Lorsque l’on évoque le traumatisme, il est tout d’abord essentiel de le différencier du stress.
Lebigot propose, pour cela, les deux schémas suivants :

Le cercle rose représente l’appareil psychique, et la flèche, l’événement qui survient.

Le stress

L’événement fait pression sur l’appareil psychique, l’écrase partiellement. Il se déforme sous la pression.

En cas de stress, l’appareil psychique est en souffrance, en raison de son écrasement. Il est « sous pression ».
Mais, il ne subit aucune effraction, rien de l’extérieur ne pénètre à l’intérieur.

Une fois l’évènement passé, le psychisme va peu à peu reprendre sa forme initiale.
La souffrance s’estompera alors en quelques heures, semaines, mois ou années.

Le trauma

L’évènement est une menace vitale qui survient par surprise. L’appareil psychique ne se déforme pas mais il est percé.

La représentation de cette menace vitale va pénétrer à l’intérieur de l’appareil psychique.
Elle va y faire effraction, le traumatisme va rester ancrer dans le psychisme sous la forme d’une image.

La disparition de l’événement n’aboutira pas à un retour à la normale.
L’image traumatique restera gravée et causera des perturbations du fonctionnement psychique pendant une très longue période.

Le traumatisme surgit par surprise, l’individu n’a pas pu l’anticiper et s’y préparer.
Il y a donc effraction psychique, la personne est débordée par l’évènement, elle n’a pas les capacités d’y faire face. La conséquence est une grande souffrance, que le psychisme va mettre des années à surmonter.

🧠 Les conséquences de cette effraction sont aussi neurobiologiques. Le système émotionnel est en survoltage, le cerveau va donc créer un court-circuit pour protéger la victime.
Clique ici pour en savoir plus…

Ces mécanismes neurobiologiques sont responsables de la sidération psychique et de la dissociation traumatique


La sidération psychique

Lorsqu’une personne subit une agression, son cerveau veut assurer sa survie. Deux solutions sont envisageables : « Fight or Flight », se battre ou fuir.
Il se prépare physiquement à réagir. Il produit donc une réaction de stress, il contracte les muscles, accélère le rythme cardiaque, augmente son attention, etc…

Mais, si l’agression présente un risque vital, alors le cerveau est saturé de stress.
Il prend alors une décision différente, il décide que les meilleures chances de survies sont l’absence totale de réaction. Au lieu de préparer la personne à réagir physiquement, il va alors produire des substances anesthésiantes.

🧠 Face à l’effraction psychique, l’amygdale va secréter une trop grande quantité d’hormones de stress : l’adrénaline et le cortisol.
Cela entraine un risque vital neurologique et cardiovasculaire. Pour éviter cela, la seule solution est de déconnecter l’amygdale par la sécrétion de morphine et de kétamine, de puissantes hormones anesthésiantes.

La victime est alors « shootée » : elle est déconnectée, anesthésiée physiquement et psychiquement. Les fonctions mentales et physiques sont bloquées.
Elle est paralysée, ne peut plus se défendre, crier ou bouger. Elle peut même éprouver des difficultés à penser, notamment à estimer le temps qui passe et à prendre la mesure des évènements.

La sidération va totalement empêcher la victime de réagir !
En plus de l’empêcher de crier, cela créé une grande culpabilité qui l’empêchera d’évoquer le viol par la suite.


La dissociation traumatique

L’anesthésie émotionnelle, décrite plus haut, conduit également la victime à un état dissociatif.
Privée de ses émotions, elle ressent un sentiment de déconnexion, comme si elle était spectatrice de la situation. La personne a l’impression de contempler la scène de l’extérieur, comme si ce n’était pas elle qui était en train de la vivre.

Elle a un sentiment de :
—-déréalisation : le monde extérieur lui semble étrange et irréel
—- dépersonnalisation : elle se sent étrangère à elle-même
La dissociation touche donc la victime elle-même et son environnement.

Elle apparait comme indifférente à ce que son agresseur lui fait subir, là encore, elle est privée de toute réaction !

Cette dissociation traumatique peut durer quelques minutes voire quelques heures. Mais elle peut également s’installer dans la durée et même devenir chronique. Dans ce cas, la dissociation va altérer :
⇨ les capacités relationnelles de la personne
⇨ l’expression de sa personnalité
⇨ ses possibilités de réagir face à d’autres dangers potentiels
Elle sera alors exposée à un grand risque de subir de nouvelles violences.

« Le traumatisme c’est comme une blessure, une blessure à l’âme. Il faut du temps pour consolider la cicatrice »

Tobie Nathan

Conclusion

Une victime ne crie pas pendant un viol et ne parle pas à posteriori de ce viol à cause de la culture du viol qui demeure trop présente dans notre société et, d’autre part, à cause de mécanismes psychologiques bien connus !

Les principaux effets psychologiques d’un traumatisme, tel que le viol, sont :
——l’effraction traumatique qui surprend la victime et la rend incapable de faire face
—— la sidération qui paralyse la victime et l’empêche de crier, de se débattre ou de fuir
—— la dissociation traumatique qui anesthésie la victime, l’empêchant de se rendre compte de ce qu’elle subit

Si ces mécanismes psychotraumatiques étaient mieux connus et pris en compte, alors la parole et les réactions des victimes ne seraient plus jugées, ni remises systématiquement en cause.
Les victimes seraient ENFIN reconnues et soutenues.

👊🏼 Grâce à cet article et à tous les autres qui traitent de ce sujet, j’espère qu’un jour plus PERSONNE ne remettra en cause la réaction ou la parole d’une victime.
L’espoir fait vivre… mais c’est pour ces causes que l’on fait ce métier !


Bibliographie

Cyril Tarquinio & Sébastien MontelLes psychotraumatismes. Histoire, concepts et applications. Dunod, 2014
Éric Baccino & Philippe BessolesVictime-Agresseur. Tome 1. Le traumatisme sexuel et ses devenirs. Champ social, 2001.
François LebigotTraiter les traumatismes psychiques. Clinique et prise en charge. Dunod, 2016.
Joanna SmithPsychothérapie de la dissociation et du trauma. Dunod, 2016.

Pourquoi est-on jaloux ?

Selon un ancien proverbe russe, « la jalousie et l’amour sont des sœurs ».
Mais la réalité est bien plus complexe !

On peut parler de jalousie dans de nombreuses situations, par exemple :
—–⤳ l’envie qui te trotte dans la tête d’aller vérifier le portable de ta moitié,
—–⤳ la petite pointe au coeur que tu ressens face à la réussite d’un ami,
—–⤳ la difficulté à te réjouir quand ton collègue à eu une augmentation, et pas toi.

Il n’y a pas un type de relation humaine épargné par la jalousie.
Ta jalousie peut s’exprimer dans ton couple, mais aussi face aux membres de ta famille, à tes amis ou tes collègues.

Mais qu’est ce qu’est réellement ce sentiment ?
Et d’où vient-il ?

Dans cet article, tu trouveras :
– des précisions sur la définition de la jalousie
– les émotions que tu éprouves lorsque tu es jaloux
– des pistes explicatives sur l’origine de la jalousie


Que veut dire « être jaloux » ?

La jalousie et l’envie

Pour commencer la jalousie n’est pas l’envie :
—-La jalousie est le désir de ne pas perdre quelque chose que tu as déjà.
—-L’envie est le désir d’obtenir quelque chose que tu n’as pas.

✌️ Un petit exemple s’impose !
Lorsque tu as peur que ton copain te quitte pour sa jolie collègue, alors tu éprouves de la jalousie.
Mais, lorsque tu es agacée que ta copine te parle de sa belle histoire d’amour tandis que tu es célibataire, alors tu ressens de l’envie.

L’envie est essentiellement une relation à deux : la personne et ce qu’elle convoite.

La jalousie implique, quant à elle, un triangle relationnel :
—– une personne
—– un partenaire aimé
—–un rival


La jalousie et l’amour

La jalousie est souvent interprétée comme un signe d’amour, mais est-ce vrai ?

Il existe évidemment un lien entre la jalousie et l’amour.
Ces deux sentiments supposent un attachement à l’autre et un engagement dans la relation. Tu ne peux pas les éprouver envers quelqu’un pour qui tu ressens de l’indifférence.
De plus, le socle du sentiment de jalousie est la crainte de perdre la personne aimée au profit de quelqu’un d’autre. C’est pour cela que certains disent que la jalousie est « l’ombre de l’amour ».

Néanmoins, la jalousie peut survenir même en l’absence d’amour, lorsque c’est ton ego qui est menacé. Dans ce cas, la jalousie est plus liée à l’égoïsme qu’à l’amour.
De même, la peur peut ne pas être celle de perdre l’autre au profit de quelqu’un d’autre, ce qui est caractéristique de la jalousie, mais peut être la peur liée à l’estime de toi.

Ainsi, la jalousie n’est pas toujours le témoin de l’amour que tu portes à l’autre mais peut être la preuve du manque d’amour que tu te portes à toi-même.

« La jalousie ? C’est comme le sel sur un steak. Il ne faut pas exagérer mais elle est indispensable. »

Marilyn Monroe

Qu’est-ce qu’« une crise de jalousie » ?

La jalousie peut être :
—–brutale, par une découvert ou une révélation.
—–intuitive, par des doutes qui s’immiscent petit à petit.
Dans tous les cas, elle repose sur une rupture de l’équilibre, il y a un moment de bascule.

Le jaloux perd ses repères et ressent une profonde dévalorisation de lui-même. Cet évènement prend toute la place dans sa tête. L’impensable arrive et ce n’est pas acceptable.  
C’est un effondrement, brutal ou insidieux, de son monde et de lui-même.

Puis, le jaloux se met à l’affût des moindres indices. Il surveille, enquête, ce qui nourrit ses interprétations. Chaque perception ou impression vient confirmer les doutes, et chaque petit événement est extrapolé.

Plusieurs phénomènes coexistent :
—-Le doute mène à la suspicion, puis l’angoisse envahit la relation.
—-Le soupçon nourrit la conviction.
—-L’incertitude crée une inquiétude.

☝🏻 Que les raisons de la crise de jalousie soient réelles ou imaginées, les mécanismes psychologiques sont les mêmes.

« La grande jalousie est l’agonie de l’amour. »

Louis-Philippe de Ségur

Que ressens le « jaloux » ?

La crise de jalousie est, avant tout, un choc émotionnel.
Ce n’est pas une seule émotion mais un état qui regroupe plusieurs émotions. Aucune structure cérébrale ne s’active en particulier lorsque une personne éprouve de la jalousie.

Les 3 émotions principales sont :
—- La colère face à la potentielle trahison
—-La tristesse d’être dans une situation si négative
—-La peur liée à la crainte de perdre l’autre
A l’extrême, ces émotions peuvent devenir de la panique, de la rage et du désespoir.

👩🏻‍🔬 Une étude a pu montrer que les femmes vivraient plus souvent la jalousie sous forme de peur et de tristesse, tandis ce que les hommes la ressentiraient davantage sous forme de colère.
Mais bien sûr, cela reste des statistiques, il ne faut pas tomber dans le stéréotype.

La colère

La colère ressentie est liée à l’injustice perçue.
Ce sentiment d’injustice est associé au combat que la personne pense devoir engager pour lutter contre la perte potentielle.

La colère peut provenir également du désir de vengeance face au partenaire responsable de la trahison.

La tristesse

Le chagrin provient de l’évaluation négative que tu fais de ta vie.
Dans la jalousie, la situation positive dans laquelle la personne était est interrompue. La relation qui avait auparavant de bonnes chances de durer est désormais menacée ou bien terminée.

La tristesse est ressentie quand la personne ne résiste pas à la situation mais reste plutôt dans la passivité. Elle perçoit qu’elle n’a aucun contrôle et donc se résigne face à la situation.

La peur

Une personne amoureuse de son partenaire sera triste si la relation prend fin. Mais si elle fait confiance à son partenaire, alors la perdre au profit d’une autre ne lui semble pas une option possible. Cette personne n’aura pas peur, elle ne sera alors pas jalouse.

La peur provient de la crainte de perdre le lien à l’autre, mais elle peut aussi provenir d’une peur plus profonde :
—- ⤳ la peur de l’abandon
—- ⤳ la peur de l’injustice
—- ⤳ la peur de la trahison
—- ⤳ la peur de l’humiliation
—- ⤳ la peur du rejet
En ce sens, la jalousie renvoie à d’autres peur que simplement celle de perdre l’autre.

La peur dans la jalousie est souvent imaginaire, elle concerne un changement futur.
La jalousie ne cesse généralement pas lorsque la personne obtient des preuves qu’elle se trompe, n’importe quel prétexte suffit pour raviver la peur.

⚠️ Bien que les éléments la peur, la colère et la tristesse sont présents dans la jalousie, dans certaines situations moins intenses, une ou plusieurs de ces émotions peuvent être absentes.

« La jalousie est la preuve que l’amour est semblable à la haine car dans la jalousie, amour et haine se confondent. »

Amos Oz

D’où vient la jalousie ?

La jalousie infantile

La jalousie, pendant la petite enfance, est normale.
Les bébés ont le désir instinctif de tisser des liens sociaux car leur survie dépend des autres. La jalousie pourrait alors être considérée comme une réaction à la présence de quelqu’un qui menace ce lien social.

A cet âge, l’enfant n’a pas réellement des réactions de jalousie, mais il exprime son mécontentement en protestant quand l’adulte s’éloigne physiquement ou ne lui prête pas attention.

👩🏻‍🔬 Une expérience a montré que les bébés se montrent perturbés quand leur mère cajole, devant eux, une poupée dans ses bras.
Le bébé est jaloux de la poupée, la mère est l’objet de rivalité. La perturbation de l’enfant ne vient pas de l’envie de posséder la poupée mais parce qu’il se sent exclu. Il n’est pas l’objet de l’attention de sa mère.

En réalité, la jalousie infantile est plutôt de l’envie, pour deux raisons essentielles :
——- ⇨ La jalousie nécessite que l’enfant développe une représentation mentale de lui-même, c’est-à-dire une auto-représentation. Cette compétence s’acquière entre 15 et 24 mois lorsque l’enfant se reconnaît dans un miroir, utilise des pronoms tels que « je », « moi » ou « le mien ».
——- ⇨ Pour être jaloux, il faut avoir avoir conscience que l’autre oriente intentionnellement son attention vers soi ou vers un autre. Or, cette capacité à percevoir l’objectif qui explique les actions de l’autre ne s’acquière que vers 2 ans.


La jalousie œdipienne

La véritable jalousie n’apparait qu’entre 3 et 6 ans, avec le Complexe d’Œdipe.

C’est à ce moment que l’enfant apprend à être dans une relation à trois : son père, sa mère et lui-même. Et c’est donc le début de la jalousie avec, comme je l’ai déjà abordé :
—–une personne : l’enfant
—– un partenaire aimé : le parent de sexe opposé
—– un rival : le parent du même sexe

A cet âge, l’enfant est en quête de contacts physiques avec son parent de sexe opposé. La petite fille se rapproche de son papa, et le petit garçon de sa maman. La conséquence de ce rapprochement est la concurrence qui s’installe avec le parent du même sexe. L’enfant perçoit l’autre parent comme un rival.

⚠️ Le complexe d’Œdipe est bien plus compliqué que ça !
Je l’ai volontairement simplifié ici pour faciliter la compréhension de l’idée principale.

Le complexe d’Œdipe est un moment charnière, durant lequel se décide l’avenir de l’amour, et donc de la jalousie, sous sa forme adulte.


La jalousie fraternelle

En plus de cette relation aux figures parentales, une autre participe à l’élaboration de la jalousie : la relation entre frères et soeurs.
En effet, le lien fraternel peut être, plus ou moins, marqué par l’opposition ou la coopération.

Les conflits, et donc la jalousie, peuvent être liés, entre autres :
—–au rang de chacun dans la fratrie,
—–à la place de chacun dans l’histoire familiale,
—– ⤳ aux préférences parentales.

En outre, les conflits parentaux ont des conséquences sur les liens entre les enfants. Ils peuvent renforcer le sentiment de rejet ou d’abandon qu’éprouvent certains enfants de la fratrie. 

Ainsi, la fratrie mobilise des sentiments ambivalents, de rivalité et d’amour, qui sont les fondement de la jalousie. 

🌺 Pour conclure, le dépassement des jalousies œdipiennes et fraternelles permet de se confronter aux situations de jalousie à l’âge adulte.


Bibliographie

Hart Sybil & Maria LegersteeHandbook of Jealousy : Theory, Research, and Multidisciplinary Approaches. Wiley-Blackwell, 2010.
Pasini Willy & Jacqueline HenryLa jalousie. O. Jacob, 2004.
Raoult Patrick-AngeComprendre et soigner la jalousie. Dunod, 2017.

La dépendance affective est-elle une maladie ?

Qu’est ce que la dépendance affective ?

Elle n’apparait dans aucune classification médicale, pourtant ce terme est largement employé et de nombreuses personnes sont persuadées d’en souffrir.
Dans cet article, tu vas enfin découvrir ce qui se cache réellement sous ce terme.

Des dizaines de questionnaires existent pour « diagnostiquer » la dépendance affective, ce n’est pas ce que tu vas trouver ici.
Dans cet article, je vais te livrer mon point de vue de psychologue sur les causes psychologiques, la gravité, le diagnostic et sur les différents types de dépendance affective.


D’où vient la dépendance affective ?

Un petit détour par l’histoire

☝🏻 Au 13ème siècle, Frédéric II réalisa une expérience pour connaître la « Langue de Dieu ». Il confia six bébés à des nourrices et leur demanda de veiller à leur alimentation, leur sommeil et leur hygiène. Mais, il exigea que jamais elle ne leur parle, afin de laisser le langage venir naturellement à eux.
L’expérience échoua, les bébés finirent par mourir.

Cette expérience, à l’éthique douteuse, nous apprend que les bébés ont besoin de lien social pour survivre. La nourriture et le sommeil ne suffisent pas. La relation aux autres est un élément indispensable à la vie. Nous avons besoin les uns des autres mais également de savoir que nous sommes aimés.

Depuis notre enfance, nous avons des besoins physiques et des besoins affectifs.
Ainsi, nous sommes tous des dépendants affectifs dès la naissance. Il s’agit d’un phénomène normal.

« L’homme est un être social, la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables »

Aristote

L’avis psy

On appelle ce besoin affectif, l’attachement : c’est le sentiment d’affection qui lie fortement à quelqu’un et qui apporte un sentiment de sécurité.

Dès la naissance, un bébé est fragile et vulnérable. Il dépend de son environnement pour survivre, et en particulier des adultes. Il ne peut subvenir à ses besoins et ne peut donc prendre soin de lui seul.
Ce n’est pas le cas dans toutes les espèces animales, on parle de néoténie du bébé humain.

Dans ses relations aux adultes, le bébé apprend donc dès la naissance ce qu’il peut attendre ou non des autres :
⇨ Si les relations avec l’adulte sont adaptées, l’enfant va se sentir aimé et digne d’attention, il va alors apprendre à s’aimer lui-même. Cela lui offre une sécurité affective.
⇨ Si les relations avec l’adulte sont inadaptées, en excès ou en défaut, alors l’enfant va soit éviter toute relation, soit se lancer dans une quête perpétuelle d’attention et d’amour. Il se trouve alors dans une insécurité affective.

Le lien d’attachement mis en place dans les premières années de vie va ensuite être intériorisé, il sert de modèle pour toutes les autres relations à l’âge adulte. On appelle cela des modèles internes opérants.
Pour Bowlby, les comportements d’attachement et d’exploration sont complémentaires. Il faut se sentir sécurisé pour pouvoir s’autoriser à découvrir. L’attachement a donc une fonction de protection et une fonction d’exploration.  

Lorsqu’une personne est insécure affectivement, alors elle peut rechercher à l’extérieur l’amour et la confiance qu’elle ne trouve pas en elle. Dans ce cas, on peut parler de dépendance affective.
Les relations amoureuses et amicales viennent combler un BESOIN et non une ENVIE. Elles sont indispensables à l’équilibre et au sentiment de sécurité de la personne dépendante.

L’attachement et la dépendance permettent d’être en lien avec une autre personne mais ce n’est pas la même chose :
——–L’attachement n’empêche pas le détachement et offre même une certaine confiance qui facilite l’exploration du monde.
——– La dépendance est un « accrochage » qui limite cette découverte du monde.

Comment faire la différence entre « être attaché » et « être dépendant » ?


Et si c’était une question d’angoisse de séparation ?

La différence entre attachement et dépendance peut être comprise à travers le prisme de l’angoisse de séparation.
De nombreuses études ont montré cette association entre l’angoisse de séparation de l’enfance et dépendance affective à l’âge adulte. Ainsi, lorsque l’on est dépendant affectif, on a de grandes chances d’avoir ressenti une forte angoisse de séparation étant enfant.

⚠️ Une association entre deux phénomènes ne veut pas dire que l’un cause l’autre.
Ce n’est pas un lien de causalité.

Mais qu’est ce que l’angoisse de séparation ?
C’est un phénomène universel, une émotion du quotidien que chacun d’entre nous éprouve.

Toutes les personnes qui t’entourent pensent elles aussi « Cet ami me manque » « Je me réjouis de revoir ma famille » « Je suis inquiet de ne pas avoir de nouvelles de Paul ».
Nous sommes tous tristes à l’idée de quitter une personne que l’on aime.

D’où vient ce sentiment ?

Dans ses premiers mois de vie, un bébé sourit a toutes les personnes qu’il croise. Il accepte les bisous et les câlins, même de tante Odile avec sa barbe qui pique !

Mais, aux allentours du 8ème mois, il reste collé à papa et maman et refuse d’aller dans les bras des inconnus. Il pleure quand ses parents le déposent à la crèche. Qu’est ce qui s’est passé ?
Eh bien, c’est ça l’angoisse de séparation ! Et elle est normale ! Elle est même nécessaire au bon développement d’un enfant. Il est alors capable de reconnaître les personnes qu’il connaît et de les différencier des inconnus.

Puis, petit à petit, il devient autonome.
Il apprend que ses parents s’éloignent puis reviennent. Il pleure quand ils le laissent mais se remet à sourire et à jouer après un certain temps. Si cela dure trop longtemps, ses parents lui manquent, alors il ressent de nouveau cette angoisse de séparation.

Et à l’âge adulte alors ?

Tu ressens, toi aussi, ce sentiment douloureux d’être seul, triste ou abandonné quand le temps loin de tes proches dure trop longtemps. Ceci est un manque affectif.

Mais ce n’est pas QUE négatif !
Cela te permet de prendre conscience que le lien qui t’unis aux autres est infiniment précieux. Dans la solitude, tu comprends alors les autres et vos relations sont uniques, mais surtout que TU ES UNIQUE.

« Le manque est la lumière donnée à tous. »

Christian Bobin

Ce manque est essentiel au fait de sentir toi !


Comment l’angoisse de séparation excessive créé-t-elle la dépendance affective ?

L’angoisse de séparation de l’enfance devient excessive si elle ne disparait pas. Elle perdure lors de séparations avec les personnes auxquelles tu es attaché. Tu as une peur paralysante de te retrouver seul et abandonné.
Cette peur peut même aller jusqu’à des manifestations psychiques telles que la dépression.

L’angoisse de séparation excessive est une émotion douloureuse lorsque tu prends conscience que les relations humaines, l’existence d’autrui et que ta propre existence sont éphémères.

« Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé » 

Lamartine

On peut alors parler de dépendance affective lorsque :
—-tu penses que tu ne peux pas vivre sans la personne,
—- tu penses que ta vie n’a aucune valeur si tu es seule,
—- tu penses que tu ne mérites pas d’être aimée,
—- tu as un besoin excessif que l’on te dise que l’on tient à toi.
Les relations viennent combler un besoin et un manque interne.


Le diagnostic de dépendance affective

La dépendance affective n’est pas forcément une maladie ! C’est une « manière d’être au monde ».
C’est une stratégie inadaptée pour combler son manque d’amour de soi.

La dépendance

La dépendance est un terme complexe. Elle est utilisée aussi bien pour parler de la perte d’autonomie des personnes âgées que de l’addiction aux relations, au sexe, au sport, à la nourriture, aux drogues, à l’alcool, aux jeux, etc…
En bref, la dépendance c’est combler un manque interne par le recours à quelque chose d’externe.

Sous toutes ces dépendances se cache une angoisse de séparation excessive. Pour maitriser le manque de l’autre et de son amour, le dépendant recherche des satisfactions immédiates dans les relations, les substances psychoactives, le jeu, etc…

La dépendance affective

Cette dépendance particulière présente 2 dimensions :
—– ⤳ La personne a besoin d’être rassurée et soutenue son entourage
—– ⤳ La personne a peur de perdre le lien à l’autre

La marge entre normal et pathologique est étroite.
Dans la dépendance normale, la personne est capable d’exister par elle-même et d’avoir d’autres centres d’intérêt. Dans la dépendance pathologique, la personne a perdu cette liberté, la relation lui est vitale. Il n’y a pas vraiment d’amour, la dépendance prend toute la place. 

La limite entre normal et pathologique est une question de flexibilité, de souplesse et de facultés d’adaptation.
Il s’agit de trouver des dépendances variées et socialement adaptées mais également de faire avec les doutes et les échecs pour évoluer vers la connaissance de soi-même et de ses forces.

☝🏻 Les types de dépendance affective :
——— – La dépendance à un type de relation amoureuse quelque soit la personne,
——— – La dépendance à une personne en particulier,
——— – La dépendance sexuelle.

La dépendance affective n’est pas un trouble mental en tant que tel, mais elle peut être inclue à un diagnostic psychiatrique.
Elle peut être présente dans le trouble de la personnalité dépendante lorsque :
—- ⤳ elle en excès,
—- ⤳ elle est permanente dans le fonctionnement psychique,
—- ⤳ elle entraine une souffrance, qu’elle soit sociale, professionnelle et/ou personnelle.

Le trouble de la personnalité dépendante

Ce trouble se caractérise par :
—————un besoin permanent et excessif d’être aimé,
—————une soumission dont le but est de renforcer le lien à l’autre.
Ces attitudes sont présentes dans le couple, mais aussi avec les proches, les amis, la famille ou encore les collègues de travail.

La personnalité dépendante comporte 4 dimensions :
La cognition : « je suis faible et vulnérable »,
Les émotions : « j’ai peur que l’on me juge », « j’ai peur que l’on m’abandonne »,
Le comportement : « je fais tout pour ne pas être rejeté »,
La motivation : « je souhaite être aidé et protégé ».

📈 Entre 0,3 et 9% de la population souffre du trouble de la personnalité dépendante.

On retrouve les critères diagnostics de ce trouble dans le DSM-V, une classification médicale officielle des troubles mentaux.


Bibliographie

Barbey-Mintz et alL’attachement, de la dépendance à l’autonomie. Illustrations pratiques. ERES, 2017
Bornstein Robert. The Dependent Patient. APA, 2005.
Chabert Catherine. Les séparations. Victoires et catastrophes. ERES, 2013
Guelfi Julien-Daniel, Patrick Hardy. Les personnalités pathologiques. Lavoisier, 2013
Poudat François-Xavier. La Dépendance amoureuse : Quand le sexe et l’amour deviennent des drogues. JACOB, 2005.
Quinodo Jean-Michel. La solitude apprivoisée. L’angoisse de séparation en psychanalyse. Presses Universitaires de France, 2010
Tenenbaum Sylvie. Vaincre la dépendance affective. Albin Michel, 2010.
Versaevel Christophe« Personnalité dépendante et dépendance affective : stratégies psychothérapeutiques ». L’Encéphale, vol. 38, no 2, 2012, p. 170‑78.