Comment “faire” son deuil ?

Le mot « deuil » provient du terme latin « dolere » qui signifie « souffrir ».

Mais, le définir comme un « état affectif douloureux provoqué par la mort d’un être aimé » est bien trop réducteur. En effet, en français, le terme de « deuil » désigne plusieurs éléments :
—— ⤳ La tristesse profonde ressentie : « être en deuil »
—— ⤳ Les comportements mis en place : « porter le deuil »
—— ⤳ Le processus psychologique nécessaire : « faire son deuil »
Dans cet article, je vais surtout aborder la troisième façon d’employer ce terme.

✨ Le deuil peut désigner la perte d’une personne, d’un objet, mais il peut également désigner un changement brutal dans la vie ou dans l’état de santé.
Chacune de ces ruptures implique la mise en place d’un processus appelé travail de deuil.

L’emploie du mot « faire » sous-entend que tu dois consciemment effectuer un travail pour accepter la perte.
Quelques temps après, tu te questionnes : Ai-je fait le deuil ? Et si non, comment le faire ? Pour cela, on te parle de certaines étapes pas lesquelles tu devrais théoriquement passer, mais on ne dit jamais exactement ce que tu dois « faire » justement.

Dans cet article, je te parle des limites de ce modèle du deuil sous forme d’étapes, et je te propose plutôt un début de réponse à la question : Comment « faire » son deuil ?

« La mort est une surprise que fait l’inconcevable au concevable »

Paul Valéry

Le deuil : un phénomène normal

Être en deuil est une expérience commune à tous mais bouleversante pour chacun.

Il n’y a aucun doute, être confronté à la mort fait souffrir psychiquement.
Mais, cette tristesse est :
—- Normale : c’est son absence qui serait pathologique, selon Deutsch
—- Nécessaire : elle permet à chaque personne de questionner le sens de sa vie

Or, nous supportons de moins en moins la souffrance provoquée par un deuil.
Elle est vécue comme anormale. Et, trop souvent, on tente de l’éviter par recours aux médicaments. Le deuil est alors pathologisé, il est vu comme une maladie mentale à traiter.

☝🏼 La psychanalyse a joué un rôle dans la pathologisation du deuil.
Longtemps, le texte « Deuil et Mélancolie » de Freud a été la référence en terme de deuil. Il y aborde la mélancolie, en s’appuyant sur le deuil comme modèle « normal » de cette pathologie dépressive. Ce parallèle a alors introduit un lien entre deuil et dépression.
Mais il est nécessaire de considérer que ce lien n’est pas systématique.

« Ne mettez pas d’obstacle au mouvement de la douleur. Laissez-le mûrir »

Krishnamurti

Le processus de deuil

Le processus de deuil est une dynamique involontaire qui s’enclenche naturellement dès le début du deuil. Le psychisme mobilise ses forces pour cicatriser la blessure de la perte, comme le ferait le corps dans la cicatrisation d’une blessure physique.
C’est un phénomène normal, bien qu’il puisse avoir, dans un premier temps, un aspect pathologique.

Les étapes du deuil

A quelques variations près, les auteurs s’accordent à reconnaître 3 grandes étapes dans le déroulement du deuil :
➛ un début : L’état de choc
➛ une période centrale : L’expression du chagrin
➛ un terme : L’achèvement du deuil

L’état de choc

Après l’annonce de la mort, la personne ressent une profonde douleur. Cette phase dure les jours qui suivent le décès. Les fonctions psychiques sont mise à l’arrêt, la personne subit des conséquences traumatiques telles que la sidération.
Les sentiments qui dominent sont la colère et l’angoisse. La personne se sent abandonnée par le défunt, elle trouve son départ injuste. Les pleurs sont alors une solution adaptée pour surmonter cet état. Néanmoins, ils ne permettent pas le deuil, seule la pensée le peut.

L’expression du chagrin

Cette phase dépressive est fondamentale dans le processus de deuil. La personne souffre de symptômes somatique, affectifs et intellectuels similaires à la dépression.  
Durant cette phase, un processus psychique intense se met en place. La pensée se remet en marche. Peu à peu, la personne repense à tous les moments passés ensemble, aux souvenirs partagés, afin de les voir d’un nouvel oeil, de les investir différemment.

L’achèvement du deuil

Le deuil se termine lorsque la personne peut parler de son proche sans s’effondrer. La période dépressive s’estompe pour laisser place à un sentiment de liberté pour profiter de la vie, vécu au début avec culpabilité, puis progressivement accepté.
Cependant, la fin du deuil n’est pas l’oubli.

Après chaque deuil, la personne ne sera plus jamais comme avant.
Mais, cela n’est pas forcément négatif, elle peut sortir grandie suite aux épreuves traversées.

⚡️ Ces phases ont été mises en lien avec les stades psychologiques observés chez les patients en fin de vie, décrits par Kübler-Ross : déni, marchandage, colère, dépression et acceptation. Aujourd’hui, on décrit ces étapes comme les étapes du deuil, mais ce n’est pas dans ce cadre que l’auteur les a décrites. De plus, ce modèle est vivement critiqué pour son manque de preuves scientifiques.


Le deuil par étapes, vraiment ?

J’ai choisi de te parler ici d’un modèle très général des étapes du deuil, pour qu’elles conviennent à un maximum de situations.
Il existe d’autres modèles plus détaillés, mais ils présentent de nombreuses limites.
Ces modèles du deuil par étapes donnent l’illusion que le « travail du deuil » est un processus qui se déroule de manière linéaire et qui permet un retour à la normale, comme si rien ne s’était passé.

Le deuil est un apprentissage progressif de l’absence de l’autre. Mais, il n’est pas un déroulement linéaire d’étapes prévisibles, on peut plutôt le voir comme :
—– une spirale qui tournoie sur elle-même, dans laquelle le processus se répète et comprend parfois des retours en arrière.
—–des vagues qui vont et viennent en ressassant sans cesse la douleur, sans que la personne ne puisse s’y opposer.

✨ Ainsi, il n’y a pas d’étapes à passer les unes après les autres, mais plutôt des états qui peuvent varier en qualité et en quantité en fonction des individus.


« Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis »

Victor Hugo

Le travail de deuil

Le terme « travail de deuil » a été employé pour la première fois par Freud.
Le deuil serait une activité solitaire pour s’accommoder de la perte et surmonter la douleur, c’est-à-dire une démarche volontaire entreprise par la personne pour favoriser le bon déroulement du processus de deuil.

👉🏼 Freud explique que le travail de deuil renvoie à :
—-la profonde tristesse
—-l’incapacité de s’intéresser au monde
—- l’envahissement par les souvenirs
Progressivement, ce travail doit aboutir au dénouement des liens qui attachaient la personne au disparu et à l’investissement de nouveaux intérêts.

👉🏼 Bowlby explique que dans le deuil, avant que la tristesse apparaisse, c’est l’anxiété de séparation qui se manifeste.
La personne souhaiterait maintenir les liens qui l’unissaient au défunt, ces liens perdurent même après le décès. Donc, il n’est pas forcément nécessaire de dénouer en totalité les liens au disparu, ils doivent être simplement modifiés.

C’est maintenant que je te donne quelques pistes pour faciliter ton travail de deuil !

Le travail de deuil répond à 4 tâches qui ont lieu simultanément sans ordre chronologique :
—– admettre la réalité du décès
—–accepter de vivre les émotions qui te traversent
—–nourrir un lien avec la personne disparue
—– cultiver un nouveau rapport au monde et aux autres

Admettre la réalité du décès

Une certaine sidération suit le décès. La prise de conscience n’est pas immédiate, tu es « sous le choc ». Néanmoins, pour débuter réellement le travail de deuil, tu dois reconnaître l’existence et la permanence de la perte. Cela peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Admettre la perte ne signifie pas l’accepter, mais il s’agit d’arrêter de lutter contre la réalité pour se libérer de la douleur de la lutte.

Accepter de vivre les émotions

Dans le deuil, les émotions telles que le vécu dépressif, la colère ou la culpabilité, peuvent être violentes. Il est essentiel de les accueillir telles qu’elles sont et de ne surtout pas les refouler. L’expression de tes émotions permet de diminuer la charge émotionnelle et donc la douleur.
Les émotions peuvent donner une impression de répétition, une impression de ne pas avancer dans son deuil. Mais c’est faux, l’émotion est le langage de l’inconscient, qui travaille forcément vers le dépassement de la situation.

Nourrir un lien avec la personne disparue

Ton lien avec la personne décédée doit être maintenu mais d’une manière adaptée. Il s’agit d’un lien intérieur qui ne perturbe pas ta vie quotidienne. Il doit être lucide, c’est-à-dire prendre en compte la personne disparue dans ses défauts comme dans ses qualités.
Il se met en place avec du temps et à l’aide de rituels personnalisés. Ton proche n’est plus là dans la réalité mais il est présent dans ton psychisme.

🌸 Pour exprimer cette idée, je dis souvent qu’« une personne ne meure réellement que lorsque la dernière personne qui pense à elle meure à son tour ».

Cultiver un nouveau rappeler au monde et aux autres

Le deuil est une crise existentielle qui questionne la fragilité des choses et le sens de la vie.
Au cours du travail de deuil, tu pourras constater des changements très positifs chez toi, comme te trouver plus ouvert, plus mature, plus empathique, etc…

Tes liens aux autres seront changés, davantage orientés par l’amour et le partage que par ce que tu fais ou ce que tu possèdes. L’ultime but est de reprendre plaisir à vivre, de démarrer de nouveaux projets, sans culpabiliser.

« Parler de ses peines, c’est déjà se consoler »

Albert Camus

Et donc, “faire son deuil”, ça veut dire quoi ?

A mon sens, cette formulation peut s’avérer très culpabilisante.
Pourtant, ce travail conscient et inconscient, demande du temps et de l’indulgence de la part de l’entourage et de la société.

L’expérience du deuil doit être vécue, transformée et dite.
Mettre en place les éléments que j’ai abordé plus haut restaure l’équilibre intérieur en répondant à une injonction paradoxale : oublier et se souvenir.

Il ne faut pas tomber dans l’écueil de psychologiser ou pathologiser le deuil, il n’y a rien de plus normal. Mais, il ne faut pas non le banaliser, il n’y a rien de plus douloureux.
« Faire son deuil » signifie donc fournir un effort pour réécrire une histoire de vie harmonieuse qui intègre les événements de vie douloureux.

💪🏼 Dans cet article, j’espère que tu auras pu trouver quelques idées pour surmonter ces épreuves douloureuses.
Si toi-même tu as des pistes de solution qui t’ont été utiles, tu peux les écrire en commentaire afin de soutenir chaque personne confrontée à la grande question : « Comment faire son deuil ? »


Bibliographie

Alain BercovitzAccompagner des personnes en deuil. Érès, 2004
Laurie LauferL’énigme du deuil. PUF, 2006
Marie-Frédérique Bacqué & Michel HanusLe deuil. PUF, 2020
Pascal DreyerFaut-il faire son deuil ?Perdre un être cher et vivre. Autrement, 2009
https://mieux-traverser-le-deuil.fr/

L’autoanalyse, peut-on s’analyser seul ?

L’autoanalyse renvoie à la psychanalyse, elle repose sur le postulat de l’inconscient.
Si Freud n’avait pas pratiqué lui-même cette technique pour découvrir et analyser les productions de son inconscient, alors la psychanalyse n’aurait jamais existé.
Tu en sauras plus sur ce point à la fin de cet article…

✌️ Mais rassure-toi, on est bien loin du psychanalyste, de son divan et de ses fameux « hum hum »

La psychanalyse repose sur l’idée que le traitement des troubles psychiques est permis par la profonde connaissance de soi.
Et, c’est sur ce modèle que se base toute thérapie d’aspiration psychanalytique.

L’autoanalyse désigne ainsi « l’investigation de soi par soi », il s’agit de s’engager dans l’aventure de la connaissance de soi par ses propres moyens.

Beaucoup d’entre nous, particulièrement ceux intéressés par la psychologie, souhaitent aboutir à une meilleur connaissance d’eux-mêmes. Cette recherche de connaissance à propos de soi remonte aux philosophes grecs, entre autres Socrate et Platon, avec leur célèbre « gnothi seauton » : « connais-toi toi-même ».

« Qui donc souffre ? Celui qui ne se connaît pas. »

Swami Prajnanpad

L’autoanalyse, qu’est ce que c’est ?

A qui cela s’adresse-t-il ?

L’autoanalyse est envisageable pour tous et peut te permettre d’aller mieux, à quelques conditions près !

La première est de garder à l’esprit que tu es le personnage principal de ta vie.
Cette phrase permet de développer ton empowerment, c’est-à-dire ton sentiment de contrôle sur ta vie. Cela a un effet sur ton estime de soi, ta confiance en soi ainsi que ta capacité d’initiative.
Mais si tes difficultés sont ancrées depuis longtemps et qu’elles provoquent une souffrance, alors il peut t’être difficile de croire en cette phrase. L’aide d’un professionnel de santé mental peut alors t’être précieuse. C’est une phrase que je prononce souvent face à mes patients !

La deuxième est que tu ne souffres pas d’un souci d’ordre pathologique.
En cas de trouble psychiatrique, l’intervention d’un professionnel est nécessaire, afin de faire intervenir un autre discours dans ton analyse.

La troisième est que ta motivation à t’autoanalyser soit solide afin de résister aux imprévus et aux aléas de ta vie.
En effet, cela demande de l’énergie et du temps, dans les moments où tu vas bien, où tu as le temps, mais également dans les moments où tu vas moins bien et où tu es débordé. Il n’est pas nécessaire de t’obliger à des rendez-vous fixes et réguliers mais une certaine continuité est nécessaire.

La quatrième est que tu prennes en compte l’existence de ton inconscient et que tu te questionnes en permanence sur son action.
Il se manifeste de façon imprévisible, en fonction de ton histoire propre, à travers tes rêves, tes oublis, tes lapsus, etc…

Cela implique :
—- ⤳ de ne pas te centrer uniquement sur tes bonnes actions ou tes bonnes pensées.
——–Les réponses que tu cherches se cachent souvent dans ce qui fait tâche dans ton comportement.
—- ⤳ de considérer les événements qui te touchent plus que les autres ou plus qu’ils ne le devraient.
——–Tu y trouves l’occasion de mieux te comprendre.
Ta remise en question doit être permanente !

La cinquième est qu’il est nécessaire de ne pas t’isoler.
Que tu te réserves des moments de retrait, c’est une chose, mais ne te coupes pas du monde qui t’entoure. C’est dans ton rapport au monde, dans tes relations aux autres, que ton psychisme réagit.

La sixième est que tu sois prêt à consulter un professionnel si cela est nécessaire, c’est-à-dire si tes difficultés sont trop profondes pour que tu en viennes à bout seul.


A quoi ça sert ?

L’autoanalyse peut te permettre de percer les secrets de ta psyché et les conséquences que celle-ci a sur ta vie. Cet effet est permis par la compréhension de l’origine de tes blocages et de tes échecs.

👉🏼 Cela est d’autant plus valable si tu travailles dans le secteur du soin ou de l’éducation.
Ce sont des domaines dans lesquels ton inconscient est fortement sollicité, faire un petit point sur son influence peut donc t’apporter de grands bénéfices !

Cette pratique a également des effets sur tes relations aux autres.
La connaissance de l’inconscient et de ses mécanismes, te permet une certaine ouverture d’esprit. En cherchant réellement à comprendre les autres, alors tu te sens plus proche d’eux. Tu ne les juges plus dans leurs opinions ou leurs actions mais tu apprends à les comprendre. En somme, tu développes ta compassion.
Comment aimer ou aider les autres si tu ne t’ouvres pas à l’inconnu en eux grâce au travail sur toi ?

Ces connaissances que tu acquiers sur toi-même, te permettent alors d’en apprendre davantage sur le fonctionnement psychologique. Au-delà des savoirs que tu peux trouver dans les théories, là tu apprends par l’expérience de toi-même.
Tu peux alors découvrir que l’inconscient fonctionne selon des lois différentes de celles du cerveau.
Malgré les avancées scientifiques, la science ne peut pas encore tout expliquer !


Comment faire ?

Cette pratique peut se faire à n’importe quel moment : en marchant, en faisant du sport, sous la douche, avant de t’endormir, etc…
Mais, la technique recommandée et la plus fréquemment utilisée est l’écriture. Elle te permet de revoir tes notes après coup.

Selon Horney, pour que cela fonctionne, il est nécessaire de développer une véritable capacité à jouer à la fois le rôle de l’analyste et celui de l’analysé.

Le premier pas de l’autoanalyse est de recueillir :
——–tes souvenirs, aussi gênants soient-ils,
——– tes sentiments, aussi contradictoires soient-ils,
——–tes pensées, même les plus farfelues,
——– tes hypothèses, même les plus étranges.
Tout cela, en te rendant compte que ton inconscient existe et qu’il a une action, à chaque moment de ta vie. Il est nécessaire que tu portes une attention particulière aux rêves, aux actes manqués, aux bizarreries, aux contradictions, que tu as tendance à banaliser.

Puis, une fois ces éléments mis à l’écrit, il est question de décomposer, examiner, décortiquer.
Le but est de déconstruire tes idées préconçues, afin de faciliter l’apparition de l’inconnu qui est en toi.

Laisser apparaitre l’inconnu en toi revient à découvrir tes tendances cachées.
Tu peux alors prendre conscience que ces tendances sont incohérentes, elles vont dans des directions différentes. L’apparente cohérence de tes actions et de tes pensées n’est qu’une façade, camouflant une ribambelle de mouvements contradictoires.

☝🏻 Ecrire simplement ce que tu penses, te souviens, ou ce que tu as fait ne suffit pas.
Le simple récit permet d’extérioriser ton vécu, mais ce soulagement est ponctuel, temporaire, toujours à recommencer.
Le pouvoir de l’autoanalyse se trouve, justement, dans l’analyse !

S’autoanalyser, ne s’apparente donc pas à :
—- Raconter ta vie, comme dans un journal intime,
—-Interpréter tes oublis, tes lapsus ou tes rêves à partir de significations toutes trouvées,
—- Trouver une logique évidente et univoque à ton fonctionnement psychique.

En effet, l’autoanalyse vise non seulement à découvrir quelque chose d’inconnu en toi-même et mais également à accéder à une interprétation.
Interpréter implique ici de faire se rejoindre tes mouvements contraires, de les laisser coexister sans chercher à les concilier.

Cela peut parfois t’amener à trouver des explications et une certaine cohérence. `Mais ces explications ne sont ni exhaustives, ni définitives. Elles sont toujours incomplètes et à remettre en question.
Que certaines te conviennent davantage est normal, mais n’oublie jamais qu’il en existe toujours d’autres.

L’autoanalyse repose donc sur :
——la réflexivité, tu te prends toi-même comme sujet d’analyse, comme devant un miroir, cela consiste à t’observer, à t’examiner, tel que tu es, sous toutes les coutures.
—— la créativité, le but n’est pas tourner en rond, mais plutôt de cultiver ton esprit critique.
——l’auto-organisation, le but ultime est une désorganisation puis une réorganisation.

🌸 Avec cette pratique, tu ne risques pas de perturbations psychiques particulières.
Mais cela sous-entend que tu ne pourras pas aller aussi loin qu’avec un psychologue.
Ainsi, lorsque tu as a l’impression d’être bloqué dans ton parcours de connaissance de toi, et si tu souhaites le poursuivre, alors cela peut être une bonne idée de te tourner vers un professionnel.

« Prends le temps de te retrouver avec toi-même tous les jours. »

Robin Casarjian

Pour aller plus loin…
L’autoanalyse dans l’histoire freudienne

Je te disais un peu plus haut que Freud, lui-même, avait commencé par sa propre analyse.

💡 Dans le traitement des névrosés, il constate que son statut de neurologue ne lui sert pratiquement à rien.
Cela lui apparaît comme évident lorsqu’il étudie les rêves, les oublis, les lapsus, etc… Il place alors ces manifestations au centre de sa théorie. Selon lui, elles relèvent d’un fonctionnement psychique inconscient, différent du fonctionnement neurologique.

Il était donc déjà convaincu de l’existence de l’inconscient et souhaitait en repérer l’action en analysant ses rêves et ses actes manqués.
Il souhaite alors en obtenir un effet thérapeutique mais également en obtenir une compréhension des mécanismes à l’oeuvre dans l’inconscient.

À cette période, il se révèle réellement fasciné par l’autoanalyse. Puis, par la suite, sa position devient plus ambiguë. Il prend conscience des limites de sa méthode. Lui-même arrive à des impasses.
Selon lui, l’autoanalyse à proprement parlé n’est pas possible, sinon la maladie mentale n’existerait pas.

Il n’y renonce pas pour autant !
Il poursuit son autoanalyse, même lorsque celle-ci ne le satisfait pas. Il a d’ailleurs appelé cette période, de 1897 à 1898, sa « chronique merdologique ».

Puis, il s’aperçoit de la nécessité pour lui de se soumettre à une analyse par quelqu’un d’autre que lui même. À ce moment, il fait de l’autoanalyse et du suivi par un autre analyste, les conditions indispensables pour devenir soi-même psychanalyste.

En tant qu’analyste, vis-à-vis des manifestations de son inconscient, il adopte une attitude de réceptivité. Pour cela, il facilite les conditions permettant leur émergence.
Il ne va pas à l’inconscient, c’est l’inconscient qui vient à lui.

Ainsi, pour qualifier l’ensemble de ses méthodes, Freud emploie le terme « psychanalyse ».

« La psychanalyse est la mise en question du psychanalyste. »

Jacques Lacan

Conclusion

L’autoanalyse est un sujet très complexe…

Je t’ai expliqué les bénéfices qu’elle permet dans la connaissance de soi.
Par l’intermédiaire de ton inconscient, elle te permet de comprendre tes propres contradictions. Mais ton inconscient n’est pas réellement accessible, tu n’as accès qu’à une infime partie à travers tes rêves, tes lapsus ou tes oublis.

Ainsi, l’autoanalyse comporte également de nombreuses limites.

Ses bénéfices ne sont pas comparables à ceux obtenus à la suite d’une réelle psychanalyse. Néanmoins, elle est tout de même, très fréquemment, associée à une thérapie sur le divan avec un psychanalyste.
Les deux ne sont pas antinomiques mais se peuvent se compléter.

⚠️ Cet article a pour but de t’initier à cette méthode.
Avant de pratiquer l’autoanalyse, je te conseille donc de jeter un coup d’œil à la bibliographie. Tu y trouveras des ouvrages qui te donneront des informations plus précises sur la méthode à employer.


Bibliographie

Bonnet GérardL’autoanalyse. Presses Universitaires de France, 2018
Bonnet GérardL’auto-psychanalyse : Oubli, lapsus, perte d’objets. Éditions In Press, 2016.
Horney KarenL’auto-analyse. Stock, 1993.
Kaës RenéPenser l’inconscient. Développements de l’oeuvre de Didier Anzieu. Dunod, 2011

La méditation de pleine conscience a-t-elle de réels bienfaits psychologiques ?

La méditation est la nouvelle activité en vogue, qu’il est bien vu de pratiquer.

🌸 De nombreux articles et formations expliquent déjà ce qu’est la méditation de pleine conscience et comment la pratiquer. Ces sources d’informations sont fournies par des professionnels de ce domaine, ce qui n’est pas mon cas.
Dans cet article, tu trouveras plutôt mon point de vue de psychologue sur l’intérêt psychologique d’intégrer la méditation à son quotidien.

Cette technique ancestrale, spirituelle, voire religieuse, est aujourd’hui démocratisée. Elle n’est plus présentée selon son origine bouddhique mais comme une technique laïque, étudiée dans les plus grandes universités, par les plus grands chercheurs.

Simple et gratuite, elle promet de trouver la voie du bonheur en investissant le minimum d’énergie et de temps.
Elle agirait sur la réduction du stress, sur l’amélioration du sommeil, sur nos comportements, sur nos capacités d’apprentissage, sur même sur la qualité de nos relations avec les autres, etc…

Mais la méditation a-t-elle vraiment un effet psychologique ?

« Ne pas avoir le temps de méditer, c’est n’avoir pas le temps de regarder son chemin, tout occupé à sa marche. »

Antonin Sertillanges

La neuropsychologie de la méditation

Aujourd’hui, il n’existe pas une explication unique permettant la compréhension des mécanismes en jeu dans la pratique de la méditation de pleine conscience. Mais les études réalisées sont suffisamment approfondies pour retenir notre attention.
Les neurosciences, grâce à l’imagerie cérébrale, mènent les recherches les plus fertiles dans ce domaine.

Quels phénomènes opèrent dans notre cerveau et dans notre esprit lorsque nous méditons ? 

La métacognition

La métacognition désigne la « connaissance de la connaissance ». Il s’agit de ce que tu connais de tes fonctionnements cognitifs et de tes capacités. Ainsi, tu disposes un savoir sur ce que tu sais, ce que tu penses et ce que tu ressens.

La conscience métacognitive est la capacité à se décentrer de ses pensées et de ses émotions. Elle permet de réaliser qu’elles ne te définissent pas, qu’elles ne sont que transitoires et qu’elles ne sont pas le reflet exact de la réalité.

Elle repose notamment sur :
—–la régulation de l’attention
—– la gestion des émotions
—– l’expérience de soi

« Méditez et vous comprendrez. »

Proverbe Oriental

La régulation attentionnelle

L’attention désigne notre capacité à sélectionner les informations perçues en fonction de l’intérêt que nous y portons.
Ces informations peuvent provenir :
⇨ du monde extérieur, on parle alors d’attention sélective.
⇨ du monde intérieur, on parle alors d’attention exécutive.

Pour exercer ton attention, il est nécessaire de demander à ton esprit d’être attentif à une cible. Mais l’attention est labile. Une pensée ou une perception suffit à te distraire. Ton esprit vagabonde !
Pour poursuivre l’exercice de ton attention, tu dois donc la réorienter vers la cible choisie initialement.

C’est exactement le processus mis en oeuvre dans la méditation, à savoir prendre conscience que ton esprit est ailleurs et revenir, sans critiquer ce vagabondage, vers l’objet de la pratique.

🧠 Lors de la méditation, les structures cérébrales impliquées dans le contrôle de l’attention s’activent : le cortex cingulaire antérieur, le cortex préfrontal et le striatum.

La pratique régulière de la méditation est donc associée à une amélioration globale du système attentionnel.
En méditant, tu seras capable :
—–d’orienter ton attention vers un élément que tu estimes prioritaire
—–de maintenir ton attention plus facilement sur cet élément
—– d’être plus flexible pour réorienter ton attention, si cela est nécessaire


La gestion émotionnelle

Les émotions sont à une réponse physiologique et comportementale du système nerveux à un stimulus. Elles ont pour but la survie de l’espèce et font partie depuis bien longtemps de l’évolution de l’Homme.
La plupart du temps, tu es capable de réguler tes émotions, d’influencer le moment de leur apparition et ta manière de les exprimer.

Néanmoins, dans certaines circonstances, chacun présente une sensibilité accrue. Les émotions sont alors d’une grande intensité et ont du mal à s’apaiser. Cela mène à des réactions disproportionnées et à des conséquences négatives pour soi-même ou les autres.
Cela peut nous arriver à tous, sans pour autant que cela soit qualifié de pathologique.

La méditation de pleine conscience facilite alors la régulation émotionnelle, grâce à l’accueil des émotions, sans jugement.
Cela favorise la mise en place d’une réponse différente, moins marquée affectivement. On observe une diminution de :
—- L’intensité de l’émotion
—-La durée de l’émotion
—- La rumination mentale
En somme, la réaction émotionnelle est amoindrie.

La souffrance émotionnelle résulte, bien souvent, davantage de la non-acceptation de l’émotion que de l’émotion en elle-même. La méditation de pleine conscience te permet alors d’accepter les expériences agréables et désagréables sans chercher à prolonger les premières ou à éviter les secondes.

🧠 Au niveau cérébral, les structures impliquées dans la régulation des émotions sont stimulées : le cortex préfrontal et les aires limbiques comme l’amygdale.

Durant la méditation, l’observation des émotions avec une attitude bienveillante permet une moindre réactivité à tes émotions, grâce à trois processus mentaux :
l’observation de tes émotions
l’identification de tes émotions
la prise de distance par rapport à tes émotions
Il t’est alors permis d’envisager tes émotions et tes pensées comme des événements mentaux auxquels tu ne t’identifies pas.

La méditation de pleine conscience modifie donc le vécu de nos émotions, en particulier négatives, en diminuant notre réactivité et en favorisant un retour plus rapide à la normale.


L’expérience de soi

Chacun de nous souhaite « mieux se connaître ». Cela nécessite de s’écouter, de s’observer, de prendre le temps de la rencontre avec soi-même. C’est ce que l’on appelle « faire l’expérience de soi ».
Mais cela n’est pas toujours facile, nous sommes sous l’influence de l’avis des autres, des stéréotypes, de ce qu’il est bien vu de penser ou bien de sentir.

Alors, comment faire ?

Dans la méditation de pleine conscience, tu adoptes une attitude curieuse pour découvrir où ton esprit va lorsqu’il vagabonde.
Le but visé n’est pas de changer ce que tu penses ou ce que tu ressens, mais bien d’accueillir toutes tes pensées, tes sentiments, tes sensations comme importantes à considérer et à observer.

Le maître mot est l’acceptation de chaque moment de ton expérience.
Cela nécessite de prendre consciemment la décision d’être ouvert et réceptif à ce qui te passe par la tête lorsque tu médites.

Cette curiosité et cette acceptation t’amènent à :
—- ⤳ cesser de vouloir éviter certains aspects de ta vie
—- ⤳ changer ta manière d’appréhender les aspects négatifs de ta vie
Cesser de réagir de manière automatique ou de juger sans cesse ce que tu penses ou ce que tu ressens te permets une auto-observation minutieuse et attentive. Ainsi, la méditation de pleine conscience t’ouvre la voie de l’expérience de soi et la possibilité de réagir différemment.

🧠 Des études ont montré que les zones cérébrales impliquées dans l’expérience de soi sont impliquées lors de la méditation : le cortex préfrontal médian, le cortex cingulaire postérieur et l’insula.

En somme, la méditation offre une meilleure expérience de soi grâce à l’adoption d’un état d’esprit ouvert, curieux, fondé sur l’acceptation et le non-jugement. Elle te permet donc de mieux comprendre la nature de ton esprit, de tes pensées et de tes sentiments.

« C’est incroyable comme la vie devient belle quand on prend un moment pour s’arrêter. »

Anonyme

La plasticité cérébrale

La méditation de pleine conscience peut mener à des réaménagements cérébraux grâce à la neuroplasticité cérébrale. Le vécu et l’entrainement façonnent quotidiennement notre cerveau, de deux manières :
—– ⤳ par la création de nouveaux neurones : modifications structurelles
—– ⤳ par l’apparition de nouvelles connexions entre les neurones : modifications fonctionnelles
Cela n’est pas spécifique à la méditation, mais est valable pour toutes les activités pratiquées de manière répétée.

Cette notion de répétition est primordiale.
En effet, la fréquence et l’ancienneté de la pratique méditative sont absolument corrélées à l’ampleur des modifications neurologiques.

La méditation, au-delà d’un moment particulier que l’on s’offre à soi, est un état d’esprit à adopter au quotidien, dont le maître mot est la pleine conscience.
Il s’agit de vivre pleinement l’instant présent, que ce soit d’observer un paysage, de prendre sa douche, d’un moment en famille, d’une marche dans la nature, etc… Il est question d’être simplement et pleinement là.


A venir…
Quels bienfaits la méditation a-t-elle sur la santé mentale ?
La méditation, une pratique essentielle pour les psychologues 


Bibliographie

Bishop Scott et al. Mindfulness : A Proposed Operational Definition. Clinical Psychology : Science and Practice, vol. 11, no 3, 2006, p. 230‑41.
Isnard Bagnis CorinneLa méditation de pleine conscience. Presses Universitaires de France, 2017
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